• Critique de : Jeunesse sans dieu, Ödön von Horváth

    Critique de : Jeunesse sans dieu, Ödön von HorváthEn 1938, le Hongrois Ödön von Horváth publie Jeunesse sans dieu, un roman qui dénonce le régime nazi et la dégradation de la société allemande. Ce n’est pas la première fois qu’il s’attaque au sujet : sa pièce de théâtre la plus célèbre, Légendes de la forêt viennoise, a déjà subi les foudres du parti nazi. Cette fois, le romancier met en scène un professeur d’histoire-géographie qui courbe l’échine devant le racisme d’Etat, pour conserver son emploi. Lorsqu’un de ses lycéens est tué dans un camp d’entraînement militaire, l’enseignant ne peut plus se taire. Le meurtre agit comme un révélateur sur cet homme qui préférera l’exil à la médiocrité. L’écriture tendue et rigoureuse d’Horváth parvient à exprimer la rage de son héros, ses silences insupportables et sa haine devant l’idéologie montante, mais également son désarroi devant une population qui marche trop droit.
     
    Vas, vis et deviens
    A 3 ans, Walker a été abandonné sur une route de l’Ontario. Il se souvient des derniers mots de sa mère, lui murmurant dans l’oreille : « Ne te retourne pas. » Ballotté de foyer en foyer avant de trouver une famille d’accueil affectueuse, le jeune homme devenu majeur n’a qu’une idée en tête : retrouver sa mère biologique. Commence une quête difficile, dangereuse, car un homme veut l’empêcher de connaître la vérité sur son passé, par tous les moyens. Le dramaturge canadien James W. Nichol réussit à entremêler le roman psychologique et le polar dans cette recherche des origines. Son sens de l’action et de la narration lui permet d’échapper aux artifices de l’enquête, de capter le lecteur, de le surprendre et de l’émouvoir jusqu’à la dernière page grâce à la sincérité d’un héros obsédé par son abandon.
     
    La misère en face
    Des petits fermiers du Maine exploités jusqu’à l’os jusqu’aux banlieues noires et marécageuses de New York, des ouvriers perdus dans l’ombre glaçante de Pittsburgh jusqu’aux enfants chétifs de Knoxville, Annemarie Schwarzenbach (1908-1942) s’attache au quotidien des Américains frappés par la Grande Dépression. Dans ses articles, rédigés entre 1936 et 1938 pour des journaux suisses, elle décrit un pays meurtri, accompagne ses textes de photos évoquant la solitude des hommes et femmes, blancs et noirs, qu’elle rencontre, écoute et raconte sans misérabilisme ni bonne conscience de riche Européenne. Indignée par cette misère, la photojournaliste devient la porte-parole de ce peuple silencieux et, soixante-dix ans plus tard, apporte un témoignage audacieux autant qu’édifiant.
    Christine Ferniot

     

     Jeunesse sans dieu, Ödön von Horváth,  éd. Christian Bourgois/Titres, 208 p., 7 €.