• Jacques Abeille : Les jardins statuaires

     

     

    Jacques Abeille :  Les jardins statuairesVoilà un livre d'une beauté saisissante, un rêve éveillé dont l'écho sourd encore bien longtemps après l'avoir refermé.

     

    Une des lectures les plus marquantes pour moi depuis ces derniers mois... J'en ai quelques autres à vous citer, Monsieur le commandant, Pornographia, La lettre à Helga, A moi seul bien des personnages... des livres très différents les uns des autres, mais qui ont en commun l'exigence et l'ambition, et surtout, cette qualité si rare: ils sont innovants, ne concèdent pas à la mode, au goût du jour, ne cherchent pas à flatter la paresse du lecteur, mais au contraire, souhaitent l'élever, lui apprendre, le sortir de sa zone de confort. N'est-ce pas ce à quoi l'art devrait toujours tendre ?

     

     

     

     

    L'époque est indéterminée, on entre dans le récit avec un narrateur sans nom ni âge, on ne sait d'où il vient, il ne sait où il va, il pénètre dans Les jardins statuaires, une terre féconde où poussent des statues et où une civilisation déjà ancienne vit peut-être ses dernières heures...et la disparition prochaine de ce monde, ce temps bientôt révolu, il faudra le graver dans le marbre de l'écriture, pour le garder vivant("J'ai peur du silence où s'enveloppera l'absence"). Folle entreprise dont 472 pages ne viendront pas à bout, et dont les tous derniers mots m'ont laissée tout simplement ébahie, hébétée, et souriante aussi.

     

    Conte philosophique, récit de voyage, roman d'aventure, métaphore de la création littéraire, roman d'amour (certaines pages décrivant la communion physique et spirituelle sont tout simplement d'une beauté à tomber par terre), roman de la guerre, de la conquête, de la sédition, voyage lent et hypnotique...tout cela , au fond, serait vain, s'il n'y avait, AUSSI, cette langue admirable, douce, tranquille, faite de longues périodes qui enveloppent le lecteur, l'encerclent, et puis, tout à coup, des phrases tels des diamants bruts, d'une poésie et d'une beauté à couper le souffle. Oui, je sais, je l'ai déjà utilisé plusieurs fois, ce mot, "beauté"...très sincèrement, je n'en vois pas d'autres.